Texte et photographies par Ghjiseppu Lavezzi, collaborateur au Parlement européen
La vie des institutions politiques, fussent-elles de création contemporaine comme le Parlement européen à Strasbourg, est faite de rituels. Loin des ors de la République française, de la garde républicaine au garde-à-vous et le sabre au clair lors de l’ouverture de la séance au Sénat ou à l’Assemblée nationale, ceux qui rythment la vie parlementaire européenne sont atypiques : tout commence à Bruxelles, où les eurodéputés travaillent trois semaines par mois, avant de se déplacer à Strasbourg pour y siéger en séance plénière et voter, le temps d’une semaine.
Prélude à cette vaste transhumance mensuelle, les préparatifs. Aux dossiers qui s’empilent dans les bureaux, succèdent les malles que l’on remplit de documents destinés à consolider l’édifice européen fait de droit, de directives et de règlements ; chacun veut apporter sa pierre à l’acquis communautaire. Puis le cliquetis des systèmes de fermeture. Enfin, une armée de déménageurs vient s’emparer de ces 3 000 cantines le vendredi précédant la session plénière pour les déposer devant les bureaux strasbourgeois de leurs propriétaires durant le week-end.
Ce rituel se prolonge dès le lundi suivant, dans la capitale alsacienne, lorsqu’arrive une étrange cohorte poursuivie de valises à roulettes, dont le roulis sur les pavés strasbourgeois alerte les citoyens. L’invasion est là et, cette semaine-là, les restaurants de la ville afficheront complet, et les conversations se dérouleront dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Le Parlement européen a quelque chose de féodal : il est, lui aussi, divisé en trois ordres. Les eurodéputés, la noblesse. Les fonctionnaires, clergé qui est passé par les fourches caudines des concours administratifs. Les assistants parlementaires enfin, tiers état parfois dans un état tiers le dernier soir de la session. Des badges aux couleurs différentes viennent les différencier. Cette hiérarchie s’est concrétisée lors de l’attaque terroriste du mardi 11 décembre 2018 à Strasbourg : l’évacuation du Parlement européen s’est déroulée, comme pour le Titanic, en commençant par les eurodéputés, passagers de première classe.
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